Le circuit UTMB World Series est chaque année un laboratoire à ciel ouvert pour les chercheurs et les chercheuses. Plus de 50 études médicales ont ainsi été réalisées depuis 2007 sur des thèmes variés en santé ou autour de l’environnement. Voir la liste des études réalisées.
L’objectif ? Participer à faire progresser la connaissance scientifique, mieux comprendre les effets de l’ultra-endurance sur l’esprit et le corps humain, et mesurer les impacts positifs et négatifs des événements sur les territoires. Ces études permettent également à l'organisation de mettre en place les actions adéquates en s'appuyant sur des données objectivées, une base scientifique solide et validée de manière collective.
LA SANTÉ ET L’ENVIRONNEMENT, DEUX SUJETS PRIORITAIRES
La santé, un axe historique et en constance évolution La santé fait partie des premiers thèmes abordés, avec l’étude des pathologies et troubles rencontrés lors des abandons. Aujourd’hui, les études s’intéressent à la physiologie des coureuses et coureurs : manque de sommeil et son effet sur la performance et la sécurité, exposition aux UV ou usage de technologies innovante.
Depuis les premières études sur les conséquences de l’ultra endurance sur le corps de la femme en 2014, la recherche sur la santé féminine est devenue un axe prioritaire, porté par la croissance du trail running et les prises de parole d’athlètes féminines engagées sur ces questions. Un champ de recherche indispensable pour mieux comprendre et accompagner les femmes dans la pratique, aujourd’hui sous-représentées (29% à l’échelle nationale).
Elargir le champ : l’environnement et le développement économique local
Les recherches explorent également l’impact positif et négatif de la pratique sur les territoires et la biodiversité : impact sur les sentiers sur les événements nord-américain, fréquentation des sentiers autour du Mont-Blanc, suivi des résidus plastiques en Alsace sur le Trail Alsace Grand-Est by UTMB par exemple.
En France, les événements de trail-running sont un sujet d'étude central pour la recherche en Sciences Humaines et Sociale et en Ecologie. Les chercheurs s'intéressent notamment à leurs effets sur l'environnement, leur acceptation sociale ou encore leur potentiel de diversification touristique.
Dans ce cadre, UTMB Group accueille Félicien Tenas, doctorant au sein du laboratoire EDYTEM (Université Savoie Mont-Blanc). Ses travaux sont codirigés par Clémence Perrin-Malterre (maîtresse de conférences HDR en sociologie à l’Université Savoie Mont Blanc), et Fabien Hoblea également maître de conférences, tous deux membres du laboratoire EDYTEM.
"Ma thèse, portée en Géographie, s'intéresse à l'acceptation sociale des grands événements de trail-running. J'y analyse plusieurs éléments complémentaires :
- Les effets environnementaux, sociaux et économiques des grands événements de trail-running en combinant une revue de littérature exhaustive sur la thématique et du travail de terrain sur différentes manifestations à travers l'Europe.
- L'acceptation sociale de ces événements dans les territoires supports. Je rencontre différents acteurs territoriaux (élus, habitants, organisateurs, traileurs, etc.) afin de comprendre les axes d'améliorations autour des événements.
- Le tout permet d'identifier différents leviers d'actions pour limiter les effets négatifs, maximiser les effets positifs et in fine améliorer l'acceptations sociale des événements.
"Collaborer avec UTMB Group me donne notamment un accès privilégié à différents événements à travers le monde. Cela permet des analyses comparatives riches d'enseignements. J'ai par exemple l'occasion de me rendre à Mallorca au mois de novembre, un événement insulaire atypique qui permettra d'effectuer une analyse différenciée entre différents pays, contextes géographiques et culturels. D'un point de vue de la recherche-action, j'ai l'occasion d'être au cœur de nombreuses discussions permettant d'apporter mon regard critique directement dans l'organisation. Cela favorise les passerelles entre recherche et terrain."
Félicien Tenas
4 QUESTIONS À CLÉMENCE PERRIN-MALTERRE
« La recherche offre ainsi les moyens de mesurer, d’analyser et de comprendre les conséquences positives comme négatives de cette activité, ce qui constitue une base indispensable pour prendre des décisions éclairées. »
En quoi est-il important de soutenir la recherche sur le trail running et ses impacts environnementaux, économiques et sociaux ?
Soutenir la recherche dans ce domaine est essentiel. Elle ne revêt d’ailleurs pas uniquement une démarche académique car elle permet aussi d’objectiver les effets réels de la pratique sur différents volets. Sans données empiriques solidement consolidées, il est difficile d’évaluer précisément l’impact environnemental, économique ou social du trail, et donc d’agir de manière pertinente. La recherche offre ainsi les moyens de mesurer, d’analyser et de comprendre les conséquences positives comme négatives de cette activité, ce qui constitue une base indispensable pour prendre des décisions éclairées. Elle joue aussi un rôle fondamental dans la connaissance du public auquel on s’adresse. Comprendre qui sont les pratiquants, quelles sont leurs motivations et leurs représentations de la nature et du milieu montagnard permet non seulement d’adapter les messages de sensibilisation, mais aussi de rendre ces messages plus efficaces. C’est indispensable lorsqu’on cherche à favoriser les comportements respectueux de l’environnement Du côté des organisateurs, la recherche fournit des arguments pour améliorer l’acceptabilité sociale des événements. Dans un contexte où certaines courses peuvent susciter des contestations, disposer de résultats scientifiques permet de mettre en évidence les leviers d’action possibles pour les organisateurs. Du côté des organisateurs, la recherche fournit des arguments pour améliorer l’acceptabilité sociale des événements. Dans un contexte où certaines courses peuvent susciter des contestations, disposer de résultats scientifiques permet de renforcer la légitimité de l’organisation autant que de mettre en évidence les leviers d’action possibles.
Comment analysez-vous l’évolution du trail running ?
Dans les années 1970 et 1980, le trail running (qui ne se dénommait pas encore ainsi) s’inscrivait dans un mouvement contre-culturel, proche de l’escalade et d’autres pratiques de pleine nature. Progressivement, cette approche alternative a laissé place à une sportivisation de la pratique, où la logique de performance est devenue centrale. Cette transformation s’accompagne d’un processus de marchandisation de plus en plus marqué, qui concerne aussi bien le matériel spécialisé que l’organisation d’événements ou le développement de séjours touristiques autour du trail running. Ce phénomène est soutenu par une demande sociale croissante et correspond aux évolutions contemporaines des pratiques sportives. Le trail running oscille donc aujourd’hui entre une logique compétitive et une logique de convivialité, avec de nombreuses formes hybrides.
Quels paradoxes et enjeux caractérisent la pratique du trail running aujourd’hui ?
Le trail est une activité en pleine nature, majoritairement pratiqué par des personnes issues de milieux favorisés. Les publics sont certes plus diversifiés que ceux du ski de randonnée par exemple, mais la pratique reste relativement sélective socialement. Les coureurs se déclarent sensibles aux enjeux environnementaux, cependant il existe parfois un décalage entre la conscience affichée et les comportements effectifs. La préservation de la biodiversité, par exemple, est moins prise en compte que la question de l’impact carbone, et si une meilleure sensibilisation est observée, notamment grâce à des campagnes de communication, cela ne se traduit pas toujours par des pratiques réellement responsables. En somme, d’une pratique contestataire à ses débuts, le trail running s’est progressivement transformé en un phénomène sportif, marqué par la coexistence entre performance, convivialité, consommation et enjeux environnementaux. L’enjeu d’un événement peut être justement de concilier tous ces aspects.
Vous travaillez sur les acteurs et les territoires impliqués dans la gestion des événements sportifs. Comment ces manifestations peuvent constituer des leviers de développement local ?
Pour ma part, j’ai surtout étudié les stations de trail, qui sont des aménagements permanents pour la pratique de la discipline. J’ai réalisé une analyse comparative entre Saint-Pierre-de-Chartreuse et la région d’Allevard. L’effet recherché était à la fois de renforcer l’attractivité touristique mais également l’attractivité résidentielle avec le développement d’activités récréatives pour les habitants. Dans le cas d’Allevard, certains acteurs locaux ont montré plus de réticence au développement de la pratique. En effet, l’image de cette destination dont l’attractivité touristique repose historiquement sur le thermalisme pouvait entrer en contradiction avec le développement d’activités sportives visant une clientèle jeune. À l’inverse, les stations trail comme Saint-Pierre-de Chartreuse sont présentées comme de véritables outils d’attractivité. Mais la présence d’animateurs et de dispositifs d’animation efficaces apparait nécessaire. Enfin, la thèse de Félicien Tenas qui étudie la responsabilité sociale et environnementale des événements au sein d’UTMB Group fournira des éléments intéressants sur le volet événementiel de la pratique, en analysant notamment l’impact économique, social et environnemental d’un événement comme l’UTMB Mont-Blanc sur son territoire.
A PROPOS
Clémence Perrin-Malterre est maîtresse de conférences HDR en sociologie à l’Université Savoie Mont Blanc, au sein du département STAPS et du laboratoire EDYTEM. Ses recherches portent sur les sports de nature en montagne, la gouvernance territoriale et la gestion environnementale, en particulier dans les territoires de moyenne montagne. Dans sa thèse de doctorat, menée dans les Parcs régionaux du Vercors et des Bauges, elle a analysé les jeux d’acteurs locaux autour du développement territorial et des activités sportives. Elle étudie aujourd’hui la manière dont ces pratiques participent à la diversification et la transition des territoires de montagne, mais également les leur cohabitation avec les autres activités humaines ou la faune sauvage. Ses travaux interrogent l’équilibre entre attractivité économique, emploi et préservation des milieux naturels et de leur biodiversité.